Au Québec, chaque ménage possède en moyenne 1,23 voiture (Source : INSPQ). Parce qu’elle est rapide, pratique et confortable, celle-ci reste le moyen de transport privilégié des Québécois, qui l’utilisent pour plus de 80% de leurs déplacements. En région, là où les distances sont longues et la population dispersée, ces chiffres sont encore plus élevés. Et pourtant, dans chaque ville et village du Québec, certaines personnes sont écartées du mode de vie relié à l’automobile: Madame Tremblay, qui ne conduit plus depuis que son mari est décédé, ou Samuel, qui, à 17 ans, doit se rendre tous les jours au CÉGEP, ou encore Stéphanie, mère monoparentale vivant sous le seuil de la pauvreté. Des gens pour qui la grande mobilité que procure la voiture devient un obstacle. Non seulement parce qu’en ne possédant pas de voiture, ils ne peuvent pas l’utiliser dans leurs déplacements quotidiens, mais aussi parce qu’une planification de la mobilité et des infrastructures en fonction de l’automobile favorise un allongement des déplacements et une difficile cohabitation avec les autres modes de transport.
La défavorisation en transport, un ingrédient de l’exclusion sociale
La défavorisation en transport, c’est l’ensemble des facteurs qui constituent un obstacle à la mobilité : ne pas posséder de voiture, l’absence de transport en commun ou son prix élevé et le manque d’information. Elle a cela de pernicieux que, conjuguée à la défavorisation sociale, elle engendre l’exclusion sociale en rendant inaccessibles les biens, services et opportunités qui permettent une participation à part entière à la société. Et, dans un cercle vicieux difficile à éviter, l’exclusion sociale nourrit à son tour la défavorisation en transport et la défavorisation sociale.
Motorisation obligée
Bien conscientes des limites qui leur sont imposées, les ménages démunis en mobilité trouvent des solutions, mais parfois au prix de leur équilibre financier. Combien de ménages possèdent une, et même deux, voitures indispensables pour obtenir un emploi, alors que cette dépense prend une part excessive de leur budget. C’est ce qu’on appelle la motorisation obligée. En Angleterre et en Australie, on a d’ailleurs montré que les populations rurales y étaient particulièrement susceptibles.
Le transport collectif, levier contre l’exclusion…
Au Québec, c’est grâce aux organismes de transport collectif régional que les personnes les plus susceptibles d’être exclues socialement (personnes âgées, personnes handicapées, jeunes familles à faible revenu, étudiants) bénéficient de services adaptés à leurs besoins. Ces services, qui prennent plusieurs formes (autobus, taxibus, transport bénévole, transport adapté), permettent de briser à la source le cercle vicieux de l’exclusion sociale. Devant les succès accumulés par ces organismes, de plus en plus de municipalités et MRC y voient un intérêt, et ce n’est pas uniquement pour des raisons d’équité.
…Et la dévitalisation
Donner une chance à tous de participer activement à la société est certainement une justification suffisante pour mettre à la disposition des moins bien nantis un service de transport collectif. Mais il en va aussi de la santé économique d’une région. Comme le souligne un article publié le 1er juin dernier dans Le Soleil, les personnes qui subissent la défavorisation en transport sont les plus susceptibles de rejoindre les grands centres, en amenant leurs proches avec eux, pour avoir un meilleur accès aux services et aux opportunités. Combien de jeunes quittent les régions pour poursuivre leurs études ? Combien de personnes âgées doivent s’exiler de leur communauté pour avoir accès à des services de santé spécialisés ? Combien de jeunes familles choisissent de ne pas s’installer en région parce que leur maigre revenu ne leur permet pas d’acheter les deux voitures qu’ils devront posséder pour occuper des emplois ?
Combattre la dévitalisation des régions et l’exclusion sociale passe par l’offre de transport collectif. Parce que tout le monde a dans son entourage une Madame Tremblay, un Samuel ou une Stéphanie, indispensables à la vie d’une communauté, et qui, grâce au transport collectif, peuvent y participer.
Pour en savoir plus :
Le transport inéquitable | Les années lumière | Radio-Canada
Regard sur la mobilité de la population québécoise | Données sociodémographiques en bref| Institut de la statistique du Québec
Faire face aux inégalités de mobilité | Cybergéo
Merci pour cet article éclairant sur une situation rencontrée fréquemment en région rurale. Malgré toutes les initiatives en milieu rural, le défi de desservir les populations les plus démunies demeure entier. Les gens sont parfois difficiles à atteindre et les besoins de déplacement sont particuliers et diffus sur un large territoire, ce qui complexifie beaucoup l’organisation du transport pour répondre à ces besoins. Ceci étant dit, les réseaux existants contribue énormément à répondre à la problématique évoquée dans votre texte, comme ici, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. C’est un défi collectif très stimulant.