Le réseau de transport interurbain québécois vit de grands changements ces jours-ci avec la prise d’effet des abandons de service du transporteur Orléans Express.
En effet, ce dernier a cessé d’opérer sa desserte entre La Tuque et Trois-Rivières ainsi que celle entre Thetford Mines et Victoriaville depuis le 19 janvier dernier. Il a également réduit considérablement son offre de service (réduction de fréquence et diminution du nombre d’arrêts) dans les régions de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, faisant notamment en sorte que les citoyens de certaines municipalités voient les autobus passer devant chez eux à portes fermées.
Les transporteurs interurbains étant principalement tributaires des revenus des liaisons entre les grandes villes pour financer leurs opérations, ils structurent naturellement ces dernières de manière à optimiser la desserte de ces grandes villes. Cela étant, la desserte des petits centres et des régions est organisée en fonction de créneaux horaires qui permettent d’assurer la cohérence globale du réseau mais qui sont parfois mal adaptés aux besoins de déplacements locaux. De plus, la présence de nombreux arrêts dans les petites communautés a pour effet d’allonger sensiblement les temps des parcours, incitant les transporteurs interurbains à en réduire le nombre afin de rendre leurs services plus concurrentiels face à l’automobile et au covoiturage organisé en termes de durées de parcours.
Considérant le déficit opérationnel sur son réseau, il était attendu que l’entreprise Orléans Express tente de réaménager son offre de service en consolidant les liaisons entre les pôles régionaux et les grands centres au détriment de la desserte des petites communautés.
Malgré que la mesure semble économiquement souhaitable aux yeux du transporteur, elle l’est moins aux yeux des citoyens des petites communautés qui se voient, du jour au lendemain, privés des services qui leur étaient offerts depuis des décennies.
En réponse à cette problématique, le ministre Poëti a accordé une aide financière de 770 000$ pour soutenir les communautés dans l’élaboration de solutions dans les régions touchées. Celles-ci se sont rapidement mobilisées et ont mis en place des mesures assurant le relais des services abandonnés par Orléans Express.
Antoine Audet, directeur général de la Régie intermunicipale de transport Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine, a indiqué, en entrevue téléphonique avec Vecteur5 – le blogue, qu’afin de répondre aux besoins des 23 000 usagers privés de services par les abandons effectués en Gaspésie, son organisation a mis en place un service de navette offert à la demande. Celui-ci permet, moyennant une réservation préalable, le lien entre 800 points de service sur le territoire de la Gaspésie et les points d’accès les plus proches des services d’Orléans Express.
Les autres territoires touchés par les abandons de service d’Orléans Express ont également mis en œuvre des solutions afin d’éviter que leurs citoyens ne se retrouvent privés de mobilité sur leur territoire.
De l’autre côté de l’Atlantique
De l’autre côté de l’Atlantique, chez nos cousins français, de petites communautés se retrouvent dans une situation différente mais qui pourrait bien engendrer des effets similaires. La loi Macron, adoptée le 27 janvier dernier, a pour effet de libéraliser le transport interurbain par autocar en France, lequel était auparavant régi de manière très stricte par l’État français. Les entreprises opérant dans le transport interurbain se sont montrées très intéressées à développer leurs réseaux, jusqu’ici contraints aux liaisons internationales.
Elles le feront bien entendu sur les trajets où il y a un fort potentiel d’achalandage, là où il y a viabilité économique. Cette concurrence accrue permettra vraisemblablement une diminution des coûts des déplacements interurbains pour les usagers effectuant des déplacements entre les grands centres, comme ce fut constaté suite aux différentes politiques de libéralisation vécues au cours des dernières années dans d’autres pays européens (Suède, Espagne, Italie, Allemagne, …).
Ce faisant, l’entreprise privée ira chercher d’importantes parts de marché sur les liaisons rentables, dans l’objectif de concurrencer l’automobile mais également, selon toute vraisemblance, au détriment du réseau ferroviaire public. Plusieurs craignent effectivement que certaines liaisons publiques soient fragilisées sur les tronçons actuellement rentables. En effet, le réseau ferroviaire étant dorénavant en situation de concurrence, on peut croire que ses gestionnaires souhaiteront assurer un service plus concurrentiel en termes de rapidité en éliminant certains arrêts dans de petites localités situées sur des parcours reliant des grands centres.
De plus, les parts de marché qui seront acquises par ces nouveaux joueurs compromettront la capacité du réseau public à générer des revenus et pourront rendre ses opérations encore plus dépendantes du financement public. L’avenir nous dira si les mesures prises par l’État français permettront, tel que ce dernier le prétend, de préserver le niveau de desserte dans les régions rurales tout en rendant plus accessible la mobilité interurbaine entre les grandes villes.
Tout porte à croire qu’il faudra innover, tant en France qu’au Québec, afin d’assurer la pérennité de la desserte des petites communautés en matière de transport collectif. Les décideurs devront se pencher sur les moyens à mettre en œuvre afin d’assurer la desserte locale des petites communautés sans réduire l’efficacité, et donc l’attractivité, des services longues distances, cela, sans dédoubler la tarification, les temps d’attentes et donc, l’intérêt du transport collectif.
L’équipe de Vecteur5
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